Une simple commode.

[Narak Kardahne]

Je viens à peine d'arriver chez mère-grand après quatre cents bornes... Oui, je sais, je sais, elle est morte, et elle me l'a léguée depuis voilà bientôt trois mois, mais je ne peux me résoudre a me dire que cette vieille bicoque est à moi. Que voulez vous, mère-grand et sa maison, ce sont deux choses qui ne peuvent être séparées.

Et me voilà à arpenter les couloirs de cette maison, vingt ans plus tard. Quatre murs et un toit, et des fantômes à la pelle. Qu'attendre d'autre d'une maison vieille de plus de soixante ans ? D'ailleurs, ici, tout à une histoire, j'en suis sûr... Tenez, cette vieille lampe à pétrole, en bronze gravé et au verre noirci tellement elle a servie, n'est ce pas celle que l'on utilisait du temps où j'étais enfan,t et l'électricité ne venait pas jusqu'ici ? Mmm... Oui, j'en suis sûr, je m'en souviens bien. Ces longues soirées pendant que grand papy nous lisait du Victor Hugo, le plus grand écrivain qui ait jamais existé ! Il aimait à raconter qu'il lui avait serré la main quand il était gosse. Intox ? Nous n'en saurons jamais rien à mon avis... C'est peut être à cette époque que je me suis découvert cette passion pour la littérature... Ces longues nuits pendant que les pages des Misérables défilaient en nos imaginations, grand mère dans son fauteuil à bascule, pap... La commode !

Seigneur... Comment ais je pu l'oublier ? Et... Oui, elle est toujours là, dans le salon. Cette commode en chène, et possédant trois tiroirs. Usée par les ans, mais toujours solide comme un roc. Et là, sur le dessus... Oui, la marque du bouton de mon pantalon, la fois ou pour en redescendre celui ci a gratté le bois, laissant un sillon. A l'époque je m'asseyais là pour écouter les histoires de grand papy, allez savoir pourquoi. Papa avait bien proposé de poncer la commode, mais grand papy n'a jamais voulu : il disait que les petits détails etaient ce qui faisaient une vie pleine. Il disait des choses bizarres...

Aaah, cette commode... C'est là que j'ai vécu mes premières joies littéraires. C'est là aussi que grand mère rangeait les photos de famile, dont celle de grand-père, un aviateur trop tôt parti, et que je n'ai jamais connu. Et là... Oui, cette petite tâche de sang où François c'est cogné la tête. L'époque où nous nous parlions encore...

Voyons voir : deuxième tiroir, les photos. Mmm... Oui, l'album blanc, celui de son mariage. Décidemment, elle était belle grand mère. Ils ont du être verts les gars du coin quand l'etranger aviateur a ravi son coeur. Mais bon, grand papy l'avait à la bonne, alors ils pouvaient toujours la fermer. Faut dire qu'il présentait bien. Et il paraît qu'il était un bosseur invétéré, avec la tête bien pleine. Paraît aussi que je lui ressemble. Et c'est pas faux. Tant mieux.

Voyons... Petits enfants. Des photos de moi et François quand on était gamins en somme. Ouvrons voir... Oui, c'est çà. Je le reconnais bien, toujours avec ses avions de cartons ou en contreplaqué. Il adorait çà, avant de devenir comptable. Et moi, toujours un bouquin à la main, évidemment. Ah, là c'est quand papa a eu la lubie de nous emmener à la pêche. On va dire qu'il est vraiment dommage qu'on ait aucune photo de l'évênement. Et là, c'était... Eh, qu'est ce que c'est ? Un papier dans l'album ?

Voyons voir... "C'est plus à gauche". Mmm... Mais que... ? Mais oui ! C'était çà ! Voyons, tiroir du fond, on l'enlève complètement... Elle l'a vidé, à croire qu'elle avait préparé çà. Voilà... Et au fond à gauche... Mmm, oui, je l'ai : la carte au trésor. Putain... Et dire qu'on a utilisé cette expression toute notre vie moi et François, "Plus à gauche", à chaque fois qu'on parlait de là où se trouvait queqlue chose, et on se marrait à chaque fois, une blague que nous seuls comprenions. Mais l'origine du truc, je saurais pas dire.

Enfin bon... Voyons voir la carte : Mmm... Ah oui, la vieille souche, dehors. Bien allons y.

Voilà, j'ai la boîte du trésor. Enterrée là où c'était indiqué. Alors, qu'avions nous mis dedans ? Aaah, ces boîtes d'enfants, ces promesses d'avenir, ces souvenirs du passé... Le modèle réduit de l'avion de Saint Exupéry, il l'adorait. L'exemplaire dédicacé des Misérables de grand papy ?! Il était là ? Putain, on l'avait cherché partout il y a quelques années ! On c'était résigné... Enfin bon... Et là... Tintin et les sept boules de cristal. Mais oui ! C'est de là : Quand Tournesol balance çà à Haddock... Bref. Voyons voir çà, c'était où déjà... Oui, c'est....

Si tu m'as oublié, moi non frangin. Si un jour tu te rappelles nos promesses d'enfant, alors appelle moi à ce numéro : **********.
J'espère que ce qu'il y avait "plus à gauche" au fond de la commode te pousseras à me contacter. Tu me manques frangin.

... Putain...

"Allo, François ? C'est Nicolas. Ca faisait longtemps non ? Oui, au moins quinze ans, je sais... Pourquoi j'appelle ? Et bien... Une simple commode."

[Litost]

Alors seigneur Narak? Vous vous passionnez pour les commodes, maintenant? Quelle déchéance! Bientôt vous nous conterez les terribles aventures de Bob, mécanicien flambeur de bananes au chalumeau

Joli texte, en passant. Tu as très bien réussi à créer un fond mélancolique, qui culmine sur la tendresse d'un rude bonhomme. J'ai bien aimé le ton et la progression. Petite question toutefois: la première allusion à la rupture des deux frères n'aurait-elle pas pu être approfondie un peu, pour donner au final un éclat plus vif dans le recontact? Ou bien penses-tu que cela aurait au contraire trop dévoilé la fin?

Félicitations en tout cas, et vivement le prochain
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I hear the silence preaching my blame.

[Narak Kardahne]

L'objectif etait de d'evoquer sans devoiler. Par exemple le nom du protagoniste, ou bien en effet la conclusion. Essayer de rester dans le descriptif, sans rentrer a l'interieur des choses. D'ailleurs, sur ce point la je ne suis pas tres content de moi. POur avoir un exemple de ce que j'ai essaye de faire, lisez "Des Souris et des Hommes", mais imaginez le a la premiere personne.

Bref, j'ai essaye, comme demande dans ta commo... Commande de prouver que j'etais capable de jouer dans un autre tableau ^^ Et oui, ca me change en effet.

Bon,

[Solman]

Alors moi ça me fait penser aux "champs d'honneur" de Rouaud... un peu la même manière de raconter les choses à travers un objet, ou un évènement banal... je me rapelle des chapitres sur la pluie et sur la 2CV qui m'avait marqué.

En tout cas excellent travail de style j'adore...
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[Haddock]

et bien mon peitit sa te chancge ce style

on se voit bien le suivre ce petit

mais la suite alors?

on voit bien a la campagne

[Trash]

perso, j'aime bien mais il y a quelques répétitions et lenteurs qui gachent un peu le plaisir.

Par contre, la narration est sympa, les idées présentes. Juste peut etre le manque de distance et d'ironie qui rendraient le personage attachant.

Joli coup de patte sinon.